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Les chroniques de Mèric, Le pont

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Les elfes avaient déjà fait passer le mot pour nous chercher, je devais donc emprunter des passages plus isolés encore qu’à mon habitude. Des détours, encore des détours, toujours des détours! Mais il nous faut traverser sur ce pont, traverser le gouffre. Nous serions à nouveau sur les routes publique, facilement repérables et à découvert sur près de cent quarante mètres.

— Près de moi, ordonnai-je à cette horreur d’elfe. Obligé de la protéger pour atteindre mes fins, semblait-il. Je me remis en route aussitôt que je la sentis trop près de moi. Son petit chantonnement me rendait malade, mais si cela pouvait l’empêcher de m’adresser la parole, je pouvais bien le supporter quelque temps. Pour une fois, la petite princesse fée se fit silencieuse, enquiquinant surtout Perle. Aujourd’hui, je n’étais vraiment pas d’humeur pour ces enfantillages.

Avant de voir qui que ce soit, mon odorat les sentit. Un sort les rendait invisibles. J’en comptai huit, hum peut-être neuf. Un jeu d’enfant pour moi. Ils ne devaient pas se douter ce contre quoi ils se frottaient. Je continuai d’avancer sur le large pont sans montrer mes soupçons. La fée agitée finit par se jeter dans ma chevelure, je souris la sachant effrayée. Je me délectai du parfum de sa peur, fini les odeurs florales. Nous avions encore quelques pas à faire pour atteindre le mur invisible lorsque des doigts fins s’agrippèrent à ma chemise. Je ne m’arrêtai pas, Perle continua de me suivre sans me relâcher.

— Vous êtes sûre? me souffla-t-elle en confidence.

La douceur de sa voix m’agressa les sens. Je levai une main en face de moi.

— Certain.

Ses doigts me lâchèrent et j’eus pendant une brève seconde envie de voir l’expression misérable qu’elle pouvait avoir. Je chassai ce besoin d’un battement de paupières. En concentrant de l’énergie dans ma main, je forçai le mur invisible à se briser, me révélant huit elfes lourdement armés et un archer. La flèche tirée sur moi à ce moment fut brûlée avant même de m’avoir atteinte, disparaissant en cendre. Un ordre ou deux furent criés tandis qu’un premier elfe tentait de me pourfendre de sa lame. J’attrapai son épée à main nue un picotement se frayant un chemin sur ma peau solide là où le tranchant se trouvait. Je repoussai le malheureux, ma puissance le fit basculer dans le vide.

Ma compagne de voyage échappa un petit cri de surprise lorsqu’une autre flèche fila vers moi. D’un mouvement des doigts, je l’envoyai en sens inverse. Mon pouvoir magique créant une belle bourrasque de vent qui en fit d’ailleurs reculer trois au passage. Le bout de mes doigts s’allongèrent pour former de longues griffes qui me servirent à égorger les deux elfes se tenant devant moi. Un troisième parvint à frapper sur ma peau de diamant, je ressentis à peine l’impact sur mon bras. Il tenta de frapper à nouveau malgré que le métal tombait en plusieurs petits morceaux à l’endroit de l’impact. De mes griffes acérées je lui ouvrit le ventre pour son affront. Sa mort serait lente et douloureuse.

L’archer commença à me taper sur les nerfs lorsqu’il tira une troisième et une quatrième flèche sur moi. Je lui crachai une boule de feu dessus. Ses hurlements de panique me satisfaire enfin. Un nouvel elfe me fit face, je le désarçonnai facilement et utilisai l’épée contre lui, puis je la lançai de toutes mes forces vers un fuyard. Des supplications se firent entendre des survivants. Je n’eus aucune pitié, j’empoignai l’un deux pour le jeter par-dessus le pont, observant sa chute une seconde. Puis, m’occupai du dernier, je décidai de lui déchiqueter la gorge lui aussi. Ses plaintes se turent rapidement à mon grand soulagement.

J’observai à nouveau ma nouvelle acquisition, sa peau de lait avait été joliment aspergée de sang. Sa chevelure bleue de ciel flottant dans le vent. Cela me rappela à quel point la sensation du vent me manquait. En croisant ses yeux violets, je me dis que, finalement, elle avait quelque chose de beau. Une froideur profonde face au massacre qui venait d’avoir lieu. Ma frustration revint au galop en me rappellant a L’ordre de sa nature et je me détournai de cette horrible elfe. Cette Perle ne pouvait m’être d’aucune utilité. Je ne comprends pas ce que la fée avait voulu dire en désignant cette femme elfe comme l’outil de mes fins. Si moi, le seigneur dragon, le dernier de ma race, ne pouvait pas ressentir une once de magie en elle, alors comment cela pouvait-il être vrai? Je soupirai, sachant que les fées ne peuvent mentir.

Je sentis le regard de Perle sur moi, ce qui m’agaça encore plus. Je la foudroyai du regard, meurtrier, elle me sourit. J’affichai une grimace de dégoût, en plus d’être une elfe, elle était stupide. Je me renfrognai sentant la douce main de la femme se poser sur mon épaule.

— Soyez encore un peu patient Mèric. Nous trouverons ce que vous cherchez, j’en suis sûre.

D’un roulement d’épaule, je me dégageai de son contact. Elle s’éloigna chantonnant un air elfique à me faire grincer des dents. Pour expier ma rage, je tournai le regard sur la mer en contrebas… La mer… Ici-bas sur terre, c’était le seul lieu qui rappelait un tant soit peu les merveilles des airs. Un véritable horizon, de l’espace à perte de vue. Je me détendi, percevant légèrement l’air salé transporté dans la brise. Des jours presque oubliés me revinrent à l’esprit. Moi, sous ma véritable forme, survolant la grande mer à l’aide de mes imposantes ailes. Je m’attristai au souvenir des autres de mon espèce, perdus à jamais, tous. Sur une longue inspiration, je chassai cette mauvaise pensée. Ma rêverie des grandeurs fut de courte durée, la princesse fée se posant sur mon épaule.

Je regardai devant moi, me remettant en tête aussitôt mon objectif. Nous avions encore une longue route à faire avant d’arriver dans ce qui me servait de demeure depuis ma forme physique actuelle. J’observai ma main levée une seconde, rien n’aurait pu changer ce que je suis vraiment après tout, pourtant je n’arrivais toujours pas à me faire à ce corps. Ma peau restait noire, mais pas aussi profonde que l’étaient mes écailles. Mes cheveux long et blanc n’avaient rien à envier à ma crinière. Un petit corps pour contenir la grandeur d’un dragon, jamais je ne pardonnerais à ceux qui m’avaient fait subir cela.






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