Nous y étions enfin. La montagne s’élevait encore haut, mais au vu de ma condition physique actuelle, j’y résidais beaucoup plus bas. J’y avais trouvé, il y a plusieurs décennies, un vieux temple abandonné. Depuis, l’endroit resplendissait à nouveau grâce aux efforts des nains, chèrement payés par des rubis rares de ma collection. L’élégance des œuvres naines conservant l’aspect brut de leurs matériaux.
Le silence de mes compagnes me soulagea. Le parcours avait été long en leur compagnie. La fée joueuse de tours nous quitterait bientôt. De retour à notre point de départ, elle pourra retourner à son royaume. Du moins l'espérais-je. Sans plus attendre, je me défis du plastron m'enserrant le torse et le jetai au plus loin. Il plana quelques instants au-dessus d’un champ ou il alla s’écraser dans une montée de pollen. Je me sentis tout de suite mieux.
J’indiquai vaguement à Perle, ma prisonnière elfique, de faire comme chez elle. Sachant qu’elle ne s'enfuirait pas. Je traversai pour ma part l’entrée du temple aux larges colonnes. Tout étant de pierre, je me sentais bien. Mes pas me menèrent toutefois tout au fond, et je sortis par une embrasure servant de porte. De nouveau à l’extérieur, dans un jardin encadré par les flancs montagneux, le seul moyen d’y venir restait cette entrée que je venais de franchir. La nature sauvage resplendissait tout autour. Je retirai le reste de mes vêtements puants et plongeai dans l’immense lac s’y trouvant. Ma petite taille de mortel étant un problème, je restai sur les abords, ignorant comment nager sous cette forme humanoïde. Je m’installai sur des amas rocheux réchauffés par le soleil et en savourai le contact. Je me détendi enfin de tout mon être. Dans quelques jours, je procéderai à un rituel qui devrait, si Perle était bien celle qu’il me fallait, me rendre ma forme de dragon. Je serai enfin mon vrai moi.
La fébrilité me rattrapant, je fermai les yeux. La stupide princesse fée décida de choisir ce moment pour revenir m'enquiquiner. Se posant sur mon épaule, elle se hissa jusqu’a mon oreille pour y souffler quelques mots.Je soupirai, mais je dus lui donner raison. J'ouvris les yeux et tournai la tête vers ma résidence. Je devais faire un effort avec cette créature à la chevelure bleu si je voulais l’utiliser.
— Toi, la fille, puisque je t’ai libéré de ta tour d’argent, tu as une dette envers m...Hey! Espèce de...Viens ici! ordonnai-je en criant.
Je faillis attraper entre mes doigts la minuscule fée, mais elle se cacha derrière ma possession qui m’avait elle aussi suivie jusqu’ici. Je ne pus retenir mon grognement de mécontentement. Pour qui elle se prenait de me tirer l’oreille comme ça celle-là! Je me réinstallai correctement sur ma pierre pour retrouver mon calme.
— S'il vous plaît, ne soyez pas en colère contre elle, me supplia l'elfe de sa voix trop mélodieuse. Elle n’a simplement pas apprécié votre ton… Je vais lui parler, elle ne recommencera plus.
Aah, je n’en pouvais plus, autant me débarrasser d’elles deux, j’attendrai et trouverai un nouveau moyen. j'attendrai une autre décennie s'il le fallait.
— Mèric! Ne faites pas ça, c’est n’importe quoi, m’ordonna Perle avec véhémence.
J’en sursautai. Qu’était-ce donc que cela? j’observai plus attentivement la femme elfe. Venait-elle de lire mes pensées, lire les pensées d’un dragon, comment? Quelle était donc cette magie? Mon regard inquisiteur ne la fit pas broncher, elle soutient mon regard. Puis, elle s'assit, ses pieds s'enfoncèrent dans les eaux claires et sur une petite pousser elle me rejoignit. Je ne fis aucun mouvement, malgré le dégoût d’être touché par une elfe, je devais en savoir plus. Elle hésita une seconde, mais finit par poser ses doigts à ma joue, puis son autre main aussi, nos fronts se heurtèrent doucement, j’expirai profondément pour expulser mon dégoût.
— Mèric… vous n’êtes plus seul désormais, nous vous aiderons. Je vous le promets.
Je plantai mes yeux rouges dans les siens. J’observai ses prunelles mauves claires, je la voyais vraiment pour la première fois. Au fond de mes tripes, je compris, je n’en revenais pas.
— Tu n'es pas une elfe, soufflai-je enfin. Elle me sourit doucement..
— Je n’ai jamais prétendu l’être....
— Je ne comprends pas. Comment?
Elle se détourna de moi, j’eus la terrible envie de la secouer pour qu’elle parle sur-le-champ. Son silence fut heureusement court.
— Un peu comme pour vous, mais j’étais dans un oeuf alors. Je n’ai jamais rien connu d'autre que cette enveloppe.
— Pourquoi n’avoir rien dit? M’étonnais-je encore. S’il avait su, il ne l’aurait pas traité de la sorte.
— Cela ne changera rien à mon sort. Mèric, je ne suis pas comme vous, et ne le serai jamais. Tout ce que je veux, c’est vous aider.
Je hochai la tête, je n’avais pas besoin dans savoir plus à bien y penser. Je levai les yeux au ciel en me répétant cette nouvelle intérieurement.
“ Je ne suis pas le dernier”
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